(Article rédigé par Mme Almayrac (professeur documentaliste). Merci à André Tricot pour la relecture de cet article parce qu’il arrive que les mots « parfois » et « peut – être » revêtent une importance insoupçonnée.)
Les élèves du collège Saint – Théodard vous le diront : « Mme Almayrac, elle est pénible avec son document de collecte !!! ».
Dés le premier cours d’EMI (ou plutôt le deuxième) en 6°, j’ai annoncé :
- « Au CDI, nous allons travailler toute l’année sur la méthodologie de la recherche d’informations. Nous allons faire et refaire des documents de collecte et des cartographies de sources. Puis nous allons continuer tout au long de vos années collège. Bref, je préfère vous prévenir : je vais être pénible et exigeante sur le sujet. Sachez – le ! »
Voilà, comme ça les choses sont dites et posées dés le début. Oui, mais alors, qu’est – ce que c’est un document de collecte et une cartographie de sites ? Et pourquoi elle a décidé d’être aussi exigeante sur le sujet ?
- Le document de collecte et la cartographie des sites : éléments essentiels de l’EMI
Attardons – nous quelques secondes sur les définitions de ces deux notions :
- Définition du document de collecte :
« Un document de collecte se présente sous la forme d’une liste de courts extraits copiés-collés dont on donne à chaque fois la source. Il aide à comprendre son sujet de recherche. il est le point de départ d’une recherche documentaire. Il peut être retravaillé et faire l’objet d’une évaluation individuelle et/ou collective sur les choix opérés. Le document de collecte est un document secondaire. » (http://www.docpourdocs.fr/spip.php?article539)
Lorsque l’élève réalise un document de collecte, il prend donc conscience qu’il prélève de l’information dont il n’est pas lui – même l’auteur sur différentes sources. Il sélectionne ensuite les informations qu’il juge pertinentes pour son travail.
- Définition de la cartographie des sources :
« Cartographier les sources d’information, c’est demander aux élèves de présenter les sites trouvés lors d’une recherche d’information sous la forme d’une carte présentant une typologie des sites. Il s’agit d’utiliser la méthode de la carte mentale pour amener les élèves à se poser cette question, après la collecte d’information : « Qui parle sur ce sujet ? ». » (http://www.docpourdocs.fr/spip.php?article455)
Cette cartographie permet donc de travailler un point fondamental en EMI : la fiabilité de l’information. Rechercher l’auteur d’une information diffusée sur le web n’est pas toujours chose aisée. Comprendre qu’il est difficile de faire confiance à une information dont on ne connaît pas l’auteur est un premier pas vers la construction d’un esprit critique face aux médias qui nous entourent.
2. Mais pourquoi est – elle aussi pénible ?
Eh bien, si je vous disais que je viens de le comprendre grâce à une vidéo d’André Tricot (professeur d’université en psychologie cognitive à l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education de Midi – Pyrénées), vous me croiriez ? Et pourtant.
Que dit cette vidéo ?
Je vais tenter de résumer : l’être humain apprend en mettant en oeuvre des processus différents. Il peut s’agir :
- d’appropriations implicites. Vous n’avez pas conscience d’avoir appris à reconnaître le visage de votre mère lorsque vous aviez 3 jours et pourtant… Vous n’avez pas conscience d’avoir appris votre langue maternelle et l’accent qui va avec lorsque vous aviez six mois. Et pourtant… Cette manière d’apprendre ne vous a pas demandé beaucoup de temps ni d’attention. Elle se fait « naturellement ».
Or, apprendre à faire un document de collecte et une cartographie des sources est loin d’être « naturel ». Quel recours avons – nous alors ? Eh bien oui, « être pénible », c’est – à – dire faire, refaire, ressasser, radoter… En réalité, on met en place un deuxième processus d’apprentissage : l’automatisation
- l’automatisation : le but du jeu est alors de transformer une pratique contrôlée, formelle si vous préférez, ou encore prescrite par l’enseignant, pour qu’à terme (plus ou moins long il faut le dire), elle puisse devenir implicite. Autrement dit, j’espère qu’à la fin du collège, après avoir mis ces automatismes en place, mes élèves feront des documents de collecte et des cartographies de sources sans s’en rendre compte. Ils auront tellement l’habitude de le faire, que ce sera vite fait et très bien fait. Ils auront en quelques secondes repéré les sources fiables des non fiables… Et cela de manière parfois ir-ré-prés-sible. Et oui, ils ne pourront peut – être pas s’empêcher d’appliquer cette méthode… Je rêve ? Peut – être mais on ne le saura que dans quelques années. En effet le temps de l’appropriation des automatismes irrépressibles peut être long, très loooooooonnnnnnng même. Alors, je m’engage à ne plus râler lorsqu’un élève me dit, au bout de 6 mois passé sur le sujet : « Madame, mais c’est quoi un document de collecte ? ». Je répèterai sans cesse la même réponse en me disant que cet élève engage un lent processus qui aboutira peut – être lorsqu’il aura quitté le collège, et que malgré tout , ça se tente, non ?
Bon, il reste un problème à solutionner. Cette manière d’apprendre ne permet pas, selon André Tricot, d’être sensible à un détail inhabituel. Cela signifie que si un site a toute l’apparence d’un site fiable et qu’un petit détail cloche, nos élèves ne seraient pas capables de le détecter ? Je cherche encore comment remédier à cela… Si quelqu’un a une idée. N’hésitez pas…
Ce qui est sûr, c’est que je vais continuer à être « pénible » en 6°, en 5°, en 4° et en 3° et que je saurai expliquer pourquoi. Merci, M. Tricot.
Pour ceux qui le souhaitent,la vidéo d’André Tricot est disponible en ligne. Elle est présentée dans le cadre du colloque de l’ANR (Agence Nationale de Recherche) de Bordeaux sur le thème : Translittératie et affiliations numériques du 4 et 5 février 2016.